L’histoire que je vais vous raconter est vraie.
Dans ma carrière de manager qui a été longue j’ai pu observer certains phénomènes qui échappent à la logique de la pensée managériale admise mais qui se vérifient néanmoins dans les faits.
J’ai confié un nouveau service à un collaborateur qui avait toutes les compétences requises. Diplômé d’une grande école de commerce il avait travaillé dans plusieurs services du siège et dans l’opérationnel également, enfin il avait mené plusieurs projets importants à leur terme.
Bref le candidat idéal pour ce nouveau projet.
D’ailleurs son nom faisait l’unanimité pour une nomination à la tête de ce nouveau service.
1.
La découverte des effets de la bienveillance
Les débuts ont été un succès avec une mise en place et le règlement de tous les problèmes techniques et humains avec beaucoup de doigté et de savoir-faire.
Le lancement a été donc satisfaisant, les résultats commerciaux honorables, sans être à la hauteur de nos ambitions pour autant.
Puis les premières déconvenues sont arrivées, à peu prés 1 an jour pour jour après la création :
- Alors que ce service était composé de jeunes cadres dynamiques, à 17 heures tout le monde était rentré chez soi.
- Quand je venais en visite, il flottait comme un air de contentement de soi, de confort chic.
- Les résultats commerciaux sont devenus tout juste acceptable sans jamais arriver dans une zone rouge.
- Une culture de l’excuse s’est mise en place.
- Quelques conflits inter personnels sur des sujets incompréhensibles et futiles sont apparus entre certains collaborateurs et leur hiérarchie intermédiaire.
A l’analyse ce manager était l’archétype du manager bienveillant et un brin gentil ; d’ailleurs ses équipes l’appréciaient et le respectaient, il était par ailleurs compétent et animé de la volonté de bien faire.
Les choses ont duré jusqu’au départ naturel de l’intéressé.
2.
L'arrivée d'un management rustique et abrasif
La structure, comme on dit, a décidé de faire évoluer les choses, après le départ du manager en place, en nommant selon leur propre expression « une rupture managériale ».
Est arrivé un profil que l’on va pudiquement qualifier d’opposé:
- Les objectifs commerciaux ont été fortement augmentés
- L’heure de départ du bureau fixé autoritairement à « pas avant 19 heures »
- Ceux qui ne marchaient pas dans le mouvement étaient implacablement mal notés, malmenés moralement et évincés manu militari du service.
Vous savez quoi ?
- Les performances ont été sensiblement meilleures.
- Aucune plainte ni conflit, ou si peu mais vite rentrés dans le rang selon l’expression.
- La lumière brûlait selon l’expression jusqu’à tard le soir…
- Comme par hasard certains collaborateurs aux performances moyennes ont amélioré soudainement leur performance (l’instinct de conservation à l’œuvre j’imagine)
3.
Parlons un peu des managés
Un jour un jeune cadre qui prenait des responsabilités managériales est venu me voir. Sa question était mon prédécesseur était un manager craint et beaucoup de collaborateurs le critiquent par derrière pour son style dure. Par contre la direction loue ses excellents résultats.
Que dois-je faire ?
Ma réponse surtout ne changez rien au passé ; adoptez les mêmes codes dans un premier temps car si vous arrivez avec la volonté de faire différemment et tout en douceur et bienveillance vous allez vous faire avoir ; les résultats vont chuter et vos collaborateurs vont « décompresser »…
« A l’arrivée vous n’aurez, ni le soutien de vos collaborateurs et vous aurez perdu celui de votre hiérarchie par manque de résultats… »
J’ai malheureusement constaté que l’intelligence, l’ouverture d’esprit, l’intelligence émotionnelle, manager coach, l’humanisme (n’ayons pas peur des mots) et tout ce que vous voulez comme nouvelles techniques recommandées, ne garantissent absolument pas le respect, la performance et la tranquillité sociale.
Au contraire j’ai constaté que plus les managers étaient conformes aux standards de bon management et plus le résultat était aléatoire voire décevant. Comme si tout compte fait la majorité des managés ne comprenaient que la méthode « classique ».
Je vois d’ici les réactions, les démentis et autres affirmations contraires, sauf que…les faits sont têtus selon l’expression.
On ne peut pratiquer toutes ces techniques positives qu’avec des managés compatibles avec ces méthodes.
Conclusion
En matière de management ou d’animation d’équipes le principe de réalité de la nature humaine doit prévaloir. A défaut tout manager se trouvera confronté au dilemme que j’ai connu ; les managés profitent, mal, de l’espace de liberté ouvert par le management participatif et redeviennent disciplinés et performants quand ils tombent sur des managers « caricaturaux dans le classicisme à l’ancienne. »
Avant de faire de son équipe un laboratoire des nouvelles techniques managériales il conviendra d’être assez ferme sur les principes essentiels et obligations de résultat.
S’accorder un temps de bonne connaissance des ressorts psychologiques de ses collaborateurs avant d’envisager de faire évoluer les choses.
Je sais c’est décevant car nous souhaitons toutes et tous nous faire apprécier par nos équipes, il est plus agréable d’être bienveillant, manager coach, sauf que cela fonctionne avec des équipes dont les membres ont le même niveau de maturité ce qui est assez rare.
On parle beaucoup des managers et on oublie pudiquement que les managés ne sont pas tendres tout le temps avec leurs managers et même qu’ils font assez souvent trébucher les bons managers ; comme un appel inconscient au retour aux pratiques « à l’ancienne » qui va suivre. (et même chez les nouvelles générations !)
J’ai conscience du caractère peu conforme de ce billet mais par honnêteté intellectuelle j’avais envie d’exprimer ce que je pense vraiment de ce sujet ; on parle beaucoup des managers et comment ils doivent être pour mener leur équipe au succès ; parlons aussi des managés et des efforts qu’ils doivent entreprendre !
Il n’y a pas de bon manager sans bons managés !