L’ATTENTION
NOUVELLE COMPOSANTE DE L’INTELLIGENCE EMOTIONNELLE.
Sommaire de l’article
- Qu’est-ce que l’attention ?
- Pourquoi avons-nous perdu cette capacité naturelle ?
- La perte du lien avec le réel et les autres ?
- Des conséquences désastreuses ; le chaînon manquant de l‘Intelligence Émotionnelle ?
- Un enjeu de manipulations majeur
- Conclusion
Qu’est-ce que l’attention ?
L’attention est la capacité à diriger notre esprit sur une personne, un sujet, un objet extérieur ce qui nous permet de prendre conscience de ce qui nous entoure. Nous pouvons aussi être attentifs à nous-mêmes et porter notre attention sur nos sensations, émotions, pensées afin de les rendre intelligibles à l’extérieur ou pouvoir les mettre au service de notre action ou objectif.
C’est une disposition naturelle, qui comme toutes les dispositions naturelles, si elle n’est pas entretenue, voire dégradée dans son usage, se détériore pour se perdre.
Être à l’écoute ; expression courante et employée dans tous les domaines suppose justement que nous portions notre attention sur l’autre, ce qu’il dit, ce qu’il est, ce qu’il exprime au-delà des mots. Cela signifie que nous sommes capables de porter notre attention sur ce vis-à-vis suffisamment de temps afin d’établir un contact et avoir une compréhension forte de son message.
Si l’on porte son attention sur soi ; ça n’est pas être à l’écoute de ses désirs, des oscillations de son égo, ni même s’écouter dans une indulgence complaisante ; non c’est comprendre ses émotions, ses sensations afin de pouvoir les adapter aux circonstances.
Sauf que le problème ambiant qui monte et dont personne ne mesure l’exacte conséquence est une dégradation forte de l’attention. On l’estime aujourd’hui inférieure à celle d’un poisson rouge dans son bocal. Image bien connue mais peu flatteuse pour nous.
Pourquoi avons-nous perdu cette qualité naturelle ?
Les causes sont maintenant bien identifiées et les symptômes partagés par beaucoup. Les nouvelles technologies (informatique, emails, sms, internet, réseaux sociaux…) nous ont mis dans une situation de sollicitation massive continuelle qui a pour effet de morceler notre attention. Tant est si bien que nous nous sommes adaptés et avons calibré notre attention en durée et intensité en conformité avec les sollicitations externes.
Combien de personnes sont, aujourd’hui, capable d’assister à une réunion d’une heure en étant attentif aux autres, aux interventions et participer sans regarder son portable 10 fois afin de consulter ses mails, ses sms, ses réseaux sociaux, Amazon etc… ? Sans d’ailleurs en avoir, toujours, une parfaite conscience ce qui est le trait du manque d’attention.
Les effets sont connus :
- Nous sommes réactifs et réagissons au quart de tour (excellent pour beaucoup de sujets sans importance ; beaucoup moins quand il faut réfléchir et prendre du recul)
- Les outils censés faciliter nos vies (ce qui est le cas sous bien des aspects) ont eu un effet retour en formatant nos cerveaux et fonctionnement.
- Si nous ne faisons pas plusieurs choses différentes dans une même séquence de temps nous nous ennuyons et notre attention se perd.
Tout ceci en soi n’est pas dramatique, après tout nous vivons tous sur ce rythme et de cette façon.
Sauf que l’attention est le seul lien qui nous connecte au réel.
La perte du lien avec le réel et les autres ?
Tout le monde comprendra l’enjeu de ce débat.
Quelques questions simples permettent de les fixer clairement.
Qu’est ce qui nous permet de percevoir ce qui se passe autour de nous dans le monde réel ici et maintenant ?
Qu’est ce qui nous permet de rester connecter aux personnes autour de nous ici et maintenant ?
Notre attention !
A défaut de porter notre attention au monde réel qui nous entoure et aux autres nous vivons dans un monde virtuel composé de :
- Nos pensées (qui sont nombreuses et présentes en permanence)
- Nos croyances qui s’auto alimentent
- Nos certitudes
- Nos présupposés culturels.
- Les réseaux sociaux qui présentent le monde sous un jour biaisé et parcellaire
- Nos rêves, nos fantasmes nos préjugés…la liste est longue.
- Nos objectifs personnels, combien de personnes dans la rue traversent sans regarder, tournent sans prêter attention au reste de la circulation ? Beaucoup ; ils sont « enfermés » dans leur monde intérieur, préoccupés par leur objectif individuel qui peut être se rendre au Café du coin. Combien d’accidents par manque d’attention ?
- Notre égo.
En fait nous vivons dans un monde et un mode relationnel qui n’est pas la réalité mais notre réalité. Ce qui fait, vous en conviendrez, une différence notable.
Dans les rapports avec les autres, le manque d’attention aux autres, a pour conséquences l’absence d’empathie par définition, pas de vraie communication, pas d’échange…
On parle souvent de conscience mais justement ce qui permet l’accès à la conscience c’est l’attention.
Des conséquences désastreuses ? Le chaînon manquant de l’intelligence émotionnelle.
La conclusion à laquelle était parvenue le psychiatre de l’armée Américaine en charge de suivre les accusés du procès de Nuremberg avait été que tous ces dignitaires nazis manquaient d’empathie.
L’intelligence émotionnelle dans ses fondements suppose que le sujet ait conscience de ses propres émotions et de celle des autres. Comme nous l’avons vu ce qui nous permet d’avoir conscience de nous et de notre environnement c’est l’attention que nous portons à nous même ou à notre environnement.
Appelé à être juré de la Cour d’assises du Nord il y a quelques années j’avais été frappé que toutes les expertises psychiatriques, des criminels jugés, faisaient état de difficultés majeures à ressentir leurs propres émotions et souvent d’être sourd à la souffrance de leurs victimes.
La sensibilisation des plus jeunes enfants dès le début de leur scolarité à comprendre leurs émotions et à être capable de les gérer est majeur pour notre avenir. Tout ce qui permettra de développer notre attention (dont on dit qu’elle est devenue inférieure à celle d’un poisson rouge dans un bocal) entraînera un développement de nos capacités sociales. Notre encrage dans le réel.
Car à un moment où la pleine conscience se développe ; notre attention connectée à l’ici et maintenant nous permet de nous connecter au monde réel, aux autres. Sans attention il n’y a pas de pleine conscience.
Quelqu’un d’attentif à ses émotions, sera attentif à celle des autres et plus respectueux de son environnement.
Une porte ouverte à la manipulation ?
Les géants du numérique ont bien compris l’enjeu majeur économique à capter notre attention.
D’ailleurs les réseaux sociaux vont, grâce à leurs algorithmes, nous présenter, en permanence, ce qui nous intéresse ce qui capte notre attention ; créant autour de nous un éco système qui s’auto alimente. Réduisant notre champ de conscience à ce que nous aimons. A ce que nous croyons, à ce que nous pensons. Bref à tout sauf au réel, qui lui est plus large. La culture, la connaissance suppose bien souvent d’élargir notre champ de conscience.
Le modèle économique des géants du numérique et des réseaux sociaux est la création de valeur en captant votre attention le plus longtemps possible.
La manipulation commence là où la conscience n’existe pas et également là où elle s’arrête.
La question n’est pas de fustiger bêtement le numérique ou le digital ; mais simplement d’attirer l’attention du lecteur à l’importance de rester maître du jeu. Être manipulé c’est faire des choses sous l’influence ; la liberté c’est comprendre, choisir, décider en conscience.
Conclusion (provisoire)
Le confinement a eu ceci de positif c’est qu’il nous a tous contraints à nous arrêter quelques temps dans notre folle course contre la montre et le trop plein.
Peut-être, certains, se sont mis à penser qu’ils vivaient une vie faite d’artifices, de trop de virtuel et pas assez de réel, de concret.
C’est une prise de conscience positive à saluer.
Le virtuel, qu’il soit digital, ou dans nos esprits, n’est pas la vraie vie.
Sachons porter notre attention sur ce qui compte, l’humain, la culture, notre entourage, nous même, la beauté d’un sourire d’enfant, un bon livre, le vent dans les arbres, la pluie sur les toits de Paris, une conversation passionnante entre amis…